"La nouvelle Piaf"

"C'est peut-être bien la nouvelle Piaf !" me dit un ami d'une jeune chanteuse.

C'est pour lui flatteur, mais c'est évidemment réducteur. Parce qu'il veut dire qu'elle pourrait devenir une "grande", mais la grandeur pour lui est derrière nous. Le présent est incapable à ses yeux d'inventer sa propre grandeur, une nouvelle grandeur, incapable de grandir. Nous sommes condamnés, croit-il, à la petitesse ou à la reproduction de la grandeur passée. Pourquoi la nouvelle Piaf et pas autre chose, quelque chose d'inédit, d'inouï ?

Notre "nouveau" est devenu le renouvellement du même : le nouveau machin, le nouveau truc. L'avenir est devenu le passé rénové. Qu'est-ce qui nous empêche de concevoir des "grands" qui ne soient pas les clones des anciens ?

La question suggère la réponse : nous ne concevons plus la grandeur. Nous ne croyons pas que de nouveaux "grands" puissent surgir, des grands qui, comme tous les grands, réinventent et, par là même, étendent leur domaine.

Le monde que nous avons créé se dresse devant nous comme un mur qui nous paraît infranchissable. Nous concevrons une nouvelle grandeur quand nous croirons à la possibilité de dépasser ce monde, de le transformer dans le sens de nos aspirations.