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14 novembre 2011

Prières

Il faisait très chaud.  Plus incommodé par la chaleur que par le froid, je sentais le malaise venir. Il fallait absolument que je trouve un endroit frais pour… refroidir un peu. Je regardai autour de moi. Que des immeubles… et une petite église. Je ne suis pas chrétien, mais Jésus étant juif comme moi, je me sentais le droit spirituel d’entrer dans ce lieu sacré.

L’église était presque vide. Il n’y avait que deux hommes, à la même rangée ; une seule chaise les séparait. Ils priaient tous les deux, les mains jointes. Poussé par la curiosité – un de mes nombreux défauts –, je suis allé m’asseoir juste derrière eux. J’avais envie d’entendre ce qu’ils pouvaient bien demander au Seigneur, qui semblait les regarder du haut de sa croix…

Le premier, à ma gauche, portait des vêtements de prix et des lunettes haut de gamme. Tout en lui reflétait la prospérité, entre autres une certaine obésité de bon aloi, celle de ceux qui abusent de la bonne chère, très différente de l’obésité de ceux qui mangent trop de cochonneries. L’autre était, pour ainsi dire, son contraire. Sa veste élimée, le col crasseux de sa chemise, ses joues mal rasées… tout trahissait son humble condition, pour ne pas dire sa pauvreté. Il ne devait pas être loin de son seuil, s’il ne l’avait pas franchi dans le mauvais sens…

Je tendis l’oreille pour essayer d’entendre leurs doléances. La voix bien posée du premier me parvenait sans effort.

- Seigneur, j'ai un peu honte de vous demander une faveur : j’ai l’impression de trahir mon camp, ce camp où on prêche qu’il ne faut compter que sur soi-même… Enfin. Voilà. Je suis certes très riche, mais l’est-on jamais assez, surtout par les temps qui courent ? Qui peut savoir de quoi sera fait demain ? Bref, j’ai investi une très grosse somme dans une affaire aussi juteuse que risquée. Si ça marche, je double mon pactole, et j’aurai moins peur de l’avenir. Je vous demande, Seigneur, de veiller à la réussite de cette affaire. Je vous en serai éternellement reconnaissant…

Le second personnage avait peut-être attendu que le premier finisse pour commencer sa prière, car il l’entama tout juste après. Sa voix, sourde et un peu fêlée, était moins audible. Je dus ouvrir grandes mes oreilles pour l’entendre…

- Seigneur, je ne viens pas vous demander quelque chose : vous m’avez déjà tant donné. Vous m’avez donné la vie et le courage, la patience et la force d’endurer ses difficultés. Vous m’avez aidé à me tirer de tant de mauvais pas, à doubler tant de caps, à me relever chaque fois que je suis tombé, à rebondir tant de fois… Que vous demander de plus ? Je suis venu vous remercier. Merci, mon Dieu. Et portez-vous bien, car il en faut de la santé sans doute pour administrer votre Création et surtout vos créatures, si souvent ingrates, qui oublient toujours ce qu’elles vous doivent et jamais ce qu’elles croient que vous leur devez.

Puis l’homme se leva humblement. Je croisai son regard… humide et lui souris. L’autre refermait son manteau d’astrakan et sortit sans nous accorder un regard ni piper mot.

J’étais sidéré par ce que j’avais entendu. Ce petit homme mal fagoté et qui ne payait pas de mine était un grand monsieur. Et l’autre, un tout petit homme, et, de loin, le plus pauvre des deux.

 

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