Du vouvoiement
J'ai attrapé la maladie (si c'en est une) du vouvoiement vers l'âge de 25 ans, quand j'ai pris conscience que les autres... existaient, absolument parlant, avaient leur vie propre, qui ne convergeait pas forcément avec la mienne, et que je devais tenir compte de leur existence, de leurs exigences, composer avec eux, plutôt que d'essayer de leur imposer les miennes. C'est cette prise de conscience de l'"altérité" irréductible des... autres qui a dressé une sorte de barrière entre eux et moi, mais, à mon sens, une barrière positive, puisqu'elle signifie, au fond, la reconnaissance de leur autonomie et de leur singularité.
Il y a un "tutoiement" qui nie justement leur différence et qui traduit l'indifférence à ce qui en eux diffère de nous (ou le refus de le prendre en compte). Ce "tutoiement"-là, je n'arrive plus à le... pratiquer. Mais il y a un autre tutoiement qui part du vouvoiement et qui arrive au bout d'un certain temps, quand l'autre, avec toute son "altérité", vous est devenu familier. Autrement dit, quand il est devenu réellement votre ami ou votre... aimée. Ce "tutoiement"-là allie le respect et la familiarité. C'est le vrai, le beau "tu", qui, comme tout ce qui est beau, demande du temps !