Le mal-parler contemporain 3

    « Par rapport à », depuis quelques lustres, a remplacé « relativement à », « au sujet de », « quant à », « s’agissant de », « concernant », etc. Sans doute parce que c’est une expression plus « populaire », plus pauvre, et qu’il convient, dans ce monde matérialiste, d’être démuni… spirituellement, la richesse spirituelle étant un ersatz de l’opulence matérielle, l’être un succédané de l’avoir.

     « Ils sont tous attachés à leur…, comme une moule à leur rocher. » C’est la moule, évidemment, qui est attachée, pas… eux. Le manque de grammaire n’est (en principe) qu’un manque de bon sens.

     « C’est une question auxquelles… ». Il semble y avoir une réticence à dire « à laquelle ». Probablement parce que ça fait « cultivé », ça… trahit la culture, c'est-à-dire la vétusté. Il faut être de son temps, c'est-à-dire inculte. La culture est une survivance du passé : on était cultivé, "littéraire", faute d'être... (techno)savant. Il fallait autrefois avoir des lettres : il faut et il suffit aujourd'hui d'avoir des chiffres.

     « Qu’est-ce que faisiez-vous ? » (France… Culture) La double interrogation est en progrès constant, comme la redondance en général (« incessamment sous peu », par exemple, qui, manifestement, n’a – plus – rien d’ironique). D’où vient, finalement, ce besoin d’en rajouter ? Vraisemblablement de ce que les mots ont perdu leur poids, de l’affaiblissement du langage, conséquence du décalage croissant entre les mots et les choses. Pourquoi ce décalage ? Parce que les choses ont changé et que les mots, c'est-à-dire les idées, n’ont pas suivi, le langage, c'est-à-dire la pensée, décrochant de plus en plus du réel, tournant de plus en plus à vide. Il faut refonder le langage, la pensée en les réancrant dans le réel, dans la vie, qui n’est plus ce qu’elle était.