Le petit garçon et le pigeon
Square Edouard-Vaillant, en fin d’un bel après-midi d’été. Assis sur un banc, le soleil dans les yeux… baissés, je lis. Un petit garçon passe devant moi en courant (les enfants courent souvent : il est rare de voir un enfant marcher, comme si courir leur était plus facile. Cela se pourrait : leurs jambes les portant encore mal, ils presseraient instinctivement le pas pour s’appuyer moins longtemps sur elles). Je lève les yeux, par curiosité, pour voir à quoi il ressemble.
Je m’aperçois qu’il poursuit un… pigeon, essayant de l’attraper (pour le... sport, espéré-je, et non pour le… manger, ou, pire, pour le tuer gratuitement). Le pigeon, quand l’enfant s’en rapproche… dangereusement, s’envole et… atterrit un peu plus loin.
L’enfant repart, excité et souriant, à sa poursuite. Et le même manège se reproduit : quand il est virtuellement à la portée du garçonnet, le pigeon redécolle pour se re-poser, toujours, un peu plus loin, alors qu’il pourrait très bien se mettre durablement, sinon définitivement, hors d’atteinte.
Cessant de lire, j’observe, fasciné, le manège, qui se reproduit plusieurs fois de suite. Tout porte à penser que l’enfant n’est pas seul à jouer : le pigeon aussi joue, avec lui, comme un chien joue avec son maître. Je ne savais pas que les pigeons aussi étaient capables de jouer, c'est-à-dire de faire les choses sans nécessité, sans « intérêt », « pour le plaisir », contre l'ennui.
Je ne savais pas que les pigeons aussi s'ennuyaient, c'est-à-dire avaient une vie intérieure.