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24 avril 2009

Jungle urbaine

A Nationale, une femme et un adolescent au bord du trottoir attendent, comme moi, que le feu passe au vert (pour les piétons). Soudain, le garçon crache ostensiblement sur la chaussée. Horrifié, je surmonte, difficilement, mon désir légitime de… protester. Mais le garçon remet ça : il envoie un mollard encore plus gros (et gras) que le premier sur le bitume. Là, c’en est trop : je décide de manifester, avec mesure, ma réprobation :

– Ce n’est pas poli de cracher sur la chaussée…

Le garçon sursaute. Il ne s’attendait manifestement pas à une… opposition : quelque chose ne tourne pas rond dans son monde où les enfants et les ados sont rois. Furieux, il m’insulte et me menace. Je ne sais plus très bien ce qu’il m‘a dit, mais je me souviens de ce qu’a dit sa mère, faisant chorus :

– Mêle-toi de ce qui te regarde ! Sinon, il va te cracher sur la tête ! (Ou quelque chose d’approchant.)

La mère et le fils n’en revenaient visiblement pas que quelqu'un ait osé les rappeler à l’ordre, leur rappeler qu’il y avait des convenances, des règles, des lois à respecter, qu’ils ne vivaient pas dans la jungle mais en société.

Mais une société qui mesure tout à l’aune de l’argent est-elle encore une société ? N’est-elle pas une jungle… urbaine ? Si la politesse, la civilité, la civilisation étaient les valeurs orientant cette société, de tels comportements seraient-ils possibles ?

Ceux qui ont la chance de naître et de vivre dans un milieu «cultivé» ont une certaine distance à l’égard du monde barbare qui les environne, en tout cas des… manières. Mais ceux qui sont exposés directement à ce monde – et c’est le cas des déracinés, surtout ceux dont la culture, essentiellement orale, est liée organiquement à leur milieu et survit mal à leur transplantation –, en inhalent sans filtre l’air vicié et l’intériorisent plus ou moins complètement.

Les « sauvageons » ne sont pas en marge mais au centre de cette société : ils en sont le vrai visage. S’ils nous font peur, c’est parce qu’ils nous montrent ce que nous sommes en train de devenir.

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