Corrida bis

Pour ou contre la corrida ? C'est comme si on demandait : pour ou contre la vie ? La question ne devrait même pas se poser, le fait même de la poser étant (je pèse mes mots) inquiétant. Il ne s'agit pas de sensibilité (la sensibilité n'est pas un bien en soi : un chirurgien sensible est un mauvais chirurgien), mais de MORALE, c'est-à-dire de l'idée qu'on se fait de la vie, de ce qui est à faire et de ce qui, bien que possible, ne doit pas être fait. Nous sommes dans un monde qui a complètement perdu de vue ces considérations fondamentales, un monde où tout ce qui est faisable peut être fait, un monde dont le seul critère est le bon plaisir, où le bien n'est plus le bon mais l'agréable, le plaisant, le plaisir, quel qu'il soit. Et on s'étonne de la montée inexorable de l'"incivilité", de la violence, de la barbarie !

Pour ou contre la corrida ? Contre évidemment ! Tout être se voulant humain ne peut qu'être contre. Il faut militer activement et ardemment pour l'interdiction de la corrida et autres supplices indignes et révoltants du même genre, ou alors il ne faut plus se plaindre de la méchanceté des hommes et de la vie !

La corrida existe, depuis des siècles, elle compte des millions d'adeptes... Et alors ? L'esclavage aussi existe, depuis des millénaires : cela le rend-il moins détestable ? Tout ce qui existe n'est pas bien : le mal aussi existe. L'existence et l'ancienneté des choses ne plaide pas en leur faveur : l'existence et l'ancienneté du feu ne démobilise pas les... pompiers, au contraire, elle justifie leur métier et leur courage !

Pour ou contre la corrida ? Contre, mille fois contre. Il est triste que la question puisse se poser !