Philosophie (extrait d'une lettre)
... je ne vois pas pourquoi, si je "me prends pour un philosophe", je ne devrais pas publier dans votre "petite revue sans prétention" : on n'est pas condamné, quand on est philosophe, à écrire dans des revues académiques. Les grands philosophes de l'Antiquité philosophaient dans la rue ! Les philosophes qui n'écrivent que dans les revues spécialisées sont des professeurs de philosophie mais pas forcément des philosophes. Ce sont des "professionnels".
Les philosophes de mon espèce sont des amateurs fiers de l'être et désireux de le rester, qui ne s'adressent pas à un public particulier mais à tous ceux qui cherchent à comprendre la vie pour mieux la vivre.
A quoi servirait la philosophie si les philosophes ne s'adressaient qu'aux philosophes ? Ce serait aussi absurde que d'enseigner aux enseignants ! Ce sont les moins philosophes qui ont le plus besoin de philosophie, tout comme ce sont les plus ignorants qui ont le plus besoin de savoir.
Par ailleurs, "enseigner c'est apprendre deux fois" (Joubert) et l'enseignement de la philosophie n'est pas une simple transmission de savoir qui n'apprend rien au transmetteur : il faut "digérer" sa pensée pour la communiquer à des non-penseurs, et cette "digestion" est un travail de clarification, c'est-à-dire d'approfondissement. Ce n'est pas un hasard si les plus grands philosophes ont enseigné : leur enseignement était à n'en pas douter la source de leur apport le plus marquant.
"J'ai plus appris de mes élèves que de mes maîtres", disait un sage. Laissez-moi philosopher pour les non-philosophes : laissez-moi apprendre !