De la discussion (Lettre entrouverte à un enn-ami)

Cher (enn)ami,

je ne sais pas où vous voulez en venir. Vous semblez chercher à avoir le dernier mot; or, pour moi, il n'y a pas de dernier mot : pour moi, la réflexion, la discussion n'est pas le moyen d'arriver à une vérité ultime, mais une fin en soi. J'aime réfléchir, creuser les idées, discuter, c'est-à-dire progresser. Je n'aime pas les réponses qui mettent fin au questionnement, donc au progrès. Si Dieu me révélait la vérité dernière, je n'aurai de cesse que de l'oublier pour continuer à la chercher !

Si je me méfie beaucoup de la science, c'est dans la mesure où elle prétend apporter des réponses définitives, donc matérialistes, car l'esprit est indéfinitif par... définition : l'esprit n'existe qu'en marche, en quête, et il s'arrête, il meurt où la quête prend fin. Les réponses de l'esprit, du spiritualisme, sont toujours ouvertes : elles ne closent pas le débat mais lui ouvrent au contraire de nouvelles perspectives. Ce sont des tremplins qui font rebondir la discussion.

J'ai du mal à discuter avec vous parce que vous n'avez manifestement pas la même démarche que la mienne : vous aimez et recherchez les réponses, les réponses "fermées", celles que je hais et fuis. Comment, dès lors, voulez-vous que nous discutions ? Vous allez à chaque fois opposer vos réponses qui les "critiquent"  à mes propos, et je vais essayer de réfuter vos critiques : ça s’appelle tourner en rond.

La discussion, pour moi, est un échange constructif où on ne cherche pas systématiquement, c'est-à-dire a priori, à contredire l'autre, mais où on cherche au contraire les points d'accord possibles. Ce qui n'exclut évidemment pas les points de friction, qui sont - quand on les relativise - le moteur de la discussion, mais qui deviennent un frein quand on les met en avant.