L'insensé n'est pas impossible

Ce n'est pas parce qu'une nouvelle grande guerre serait absurde qu'on peut en exclure l'éventualité. Bien au contraire, l'absurdité d'une chose, surtout en matière de guerre, militant plus en faveur qu'en défaveur de sa réalisation. "Tout est possible, à condition d'être suffisamment insensé", disait le physicien Niels Bohr. Quand on sait qu'en pleine débâcle de son armée, Hitler mobilisait des ressources logistiques cruciales pour mener à bien... l'extermination des juifs, on comprend que la guerre a plus à voir avec le non-sens qu'avec le bon sens. Si c'est la raison qui finit par les gagner, c'est la folie qui déclenche les guerres.

Quand on sait aussi que le désespoir, qui n'a rien à perdre, ni donc à craindre, de la guerre, prospère aujourd'hui, surtout en Occident, l'hypothèse d'une nouvelle conflagration majeure est parfaitement plausible. Plus nous serons conscients que le pire est possible et plus nous aurons de chances de le conjurer. Le danger vient de ceux qui ne croient pas au pire et de ceux qui le croient inévitable et qui ne feront donc rien pour l'éviter. Le salut viendra des optimistes pessimistes, ceux qui croient autant à la possibilité du pire qu'à celle de l'éviter.