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Lucidité
Etre lucide, c’est avoir conscience que tout le monde n’est pas beau ni gentil, que les gens vraiment beaux et gentils ne courent pas les rues, que la « morale » est un idéal et non une réalité. Mais c’est précisément parce que la réalité n’est pas idéale que l’idéal existe et que la morale s’impose, de la même façon que c’est parce qu’il fait froid en hiver qu’il faut se couvrir.
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La morale n’est pas ce qui est mais ce qui doit être pour que la vie soit possible, ou ne soit pas un enfer. Quand on ouvre un peu les yeux, on voit que la vie n’est ni belle ni gentille ; mais quand on les ouvre davantage, on voit que sans la volonté de faire en sorte qu’elle le soit autant que faire se peut, elle serait impossible ou infernale.
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Un peu de lucidité désenchante, rend amer, cynique, méchant, parce que « ce qui est » reste la référence ; beaucoup de lucidité réenchante, parce qu’on voit alors que « ce qui est », à moins de ne plus tenir à la vie, ne saurait être un modèle, un exemple à suivre, mais exactement le contraire : la pente que nous devons remonter.
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Un peu de lucidité éloigne de la morale, beaucoup y ramène. C’est la grâce qu’on souhaite à notre temps.
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