Vieillir jeune

La jeunesse est un état d'esprit (et de coeur). Le hic est que si nous sommes esprit, nous avons un corps, une enveloppe finie dans l'espace et le temps qui nous fait sentir sa finitude à mesure que nous prenons de l'âge. Si l'esprit ne vieillit pas, il se heurte au vieillissement du corps, qui renâcle de plus en plus. Difficile, dans ces conditions, de garder sa juvénilité. Mais difficile ne signifie pas impossible : ce qui est difficile est seulement ce qui ne va pas de soi, qui ne va pas sans effort (moral, en l'occurrence).

Pour résister au vieillissement du corps, qui contamine si souvent l'âme, il faut avoir un intérêt si fort pour les choses de l'esprit qu'on en oublie, pour ainsi dire, son corps. Ce qui exacerbe nos maux physiques, c'est l'attention excessive au physique, au matériel, faute d'attention au spirituel. Si les fakirs font la... planche sur des planches à clous, c'est vraisemblablement parce qu'ils sont si attentifs à ce qui se passe dans leur for intérieur qu'ils en deviennent presque insensibles au for... extérieur.

Nos contemporains sont très douillets parce qu'ils n'ont plus de vie intérieure, donc de distance relativement à la vie extérieure : le moindre bobo, alors, est une douleur insupportable, la moindre baisse du pouvoir d'achat une tragédie. C'est pourquoi la perspective de vieillir les terrifie. Ils ne se rendent pas compte qu'en se focalisant sur leur corps, comme la publicité les y invite sans cesse, ils aggravent le problème au lieu de l'alléger, la solution consistant justement à détourner son attention de son enveloppe charnelle, c'est-à-dire à la porter sur son... contenu.

Nous ne ferons face à la vieillesse, comme à l'avenir, qui s'annonce matériellement difficile, qu'en élevant notre niveau de vie intérieure !